Frédérique Gardye
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artiste
Picasso a dit que « l’art sert à se laver l’âme de la poussière de tous les jours. »
Pour ma part, j’envisage la création comme une grande fresque, où nous, personnages peints, sommes victimes de la conviction d’exister.
C’est un grand bal d’illusions que l’existence, et dans ce contexte, façonner des images participe à ce grand songe : structure en abîme qui entretient le sentiment de réalité.
Illusion ou pas, se promener parmi les représentations visuelles est une balade de plaisir pour celui qui peint, compose des mosaïques ou sculpte.
Il y a deux ans déjà se déroulait l’exposition « voyage en terres imaginaires ». L’année 2020 qui vient de s’achever avec ses multiples pliures de confinement n’a certes pas favorisé les échanges relationnels et encore moins les partages culturels.
Sur le plan individuel, à tout malheur bonheur est bon, le recueillement et le travail ont été amplifiés. Mais pour tout cheminement, il est indispensable de faire halte, de prendre la mesure des actes posés, des choix du passé, de se donner de nouveaux repères avant de reprendre la route.
Ces moments de courte pause offrent un recul absolument nécessaire. On s’y rassemble aussi. C’est l’occasion d’extraire les diverses productions figuratives de leur lieu ou de leur livre de rangement où elles dorment, et apparait ainsi la récurrence de certains thèmes parmi les images qui se sont entassées au fil du temps.
Présenter ce que l’on a fait requiert un solide travail de détachement à l’égard de soi et de ses créations. Il semblerait que pour exposer avec détachement, il faut être déjà ailleurs.
Enfant, il m’apparaissait évident qu’une réalisation artistique, quelle qu’elle fût, devait murir longuement avant d’être proposé au monde. À cette époque, il n’était question d’offrir au monde qu’un seul projet, unique, final, sorte de testament.
L’humilité et une moindre radicalité qui se glissent parfois dans nos bagages modifient nos règles. Les différentes mutations ont alors des témoins.
La conception du peintre Odilon Redon m’est ainsi devenue familière : « Le souci doit être l’hôte habituel et constant du bon atelier. Le souci est comme une équation entre la palette et le rêve. Il est le ferment du nouveau ; il renouvelle la faculté créatrice ; il est le témoin d’erreurs sincères et de l’inégalité du talent. L’homme est alors visible chez l’artiste, et celui qui regarde son œuvre est plus près de lui. »
Aujourd’hui, l’exposition virtuelle « Escale » réunit quelques aquarelles, dessins et mosaïques qui ont parsemé mon parcours des deux dernières années.
Parmi cette présentation, quelques œuvres ont été inspirées de grands maitres, d’autres sont des compositions parfaitement personnelles.
On peut être surpris de la pluralité des supports visuels et des sujets traités, bien qu’à cet égard, j’ai fait attention à restreindre la diversité des thèmes qui n’en comptent finalement que sept.
Pour ce qui est du support choisi (dessin, aquarelle, mosaïque), la sensibilité s’incarne d’une façon très spécifique en chacun.
Mosaïque vivante, je privilégie, selon les périodes, le travail d’atelier sur des supports particuliers.
Il n’y a pas d’instance de choix autre que le désir et la nécessité.
LA MOSAÏQUE UN CAS PARTICULIER
Un des principaux défis de la mosaïque réside dans le fait de donner du mouvement à une composition malgré la rigidité du matériau.
Les tesselles de céramique, selon leurs tailles, imposent également des contraintes différentes. Il est plus facile, par exemple, de créer du mouvement lorsque les fragments de céramique sont taillés de façon menue. Le nombre de tesselles augmentant, leur assemblage est beaucoup plus long, il va sans dire.
La coupe régulière (la plus ancienne sur le plan historique) ou aléatoire (la technique Trencadis, catalane) impose également sa difficulté de traitement et ses effets.
Travailler la couleur sur des carreaux de céramique n’est pas non plus la partie la plus simple. Il ne s’agit pas, sauf exception, d’acheter des carreaux de céramique déjà peints. La couleur se recherche, se nuance grâce à divers mélanges. Les effets spéciaux que l’on applique au traitement de la couleur constituent une recherche perpétuelle, et la reproduction des effets n’est guère stable, elle varie selon les fours et les techniques de cuisson.
Pour cette exposition virtuelle, « Escale », l’actualité ne permet pas, hélas, de vous retrouver autour de la musique et accompagnés d’un verre, mais elle autorise, au moins, que ma pudeur se mette à l’ombre, ce qui me soulage, ainsi que certains proches le savent. Ils souriront.
Cette virtualité a requis la mise au monde d’un site Web dont la paternité incombe à mon compagnon, Marc. Je le remercie profondément pour ce laborieux et délicat travail ainsi que pour son engagement sans relâche à me propulser dans le monde manifeste.
Musique: Allure – par Little Red Church – https://www.premiumbeat.com
Photos: Marc Filarétos